

En Irlande, mieux localiser les tourbières pour aider à réduire les émissions de CO2
Des chercheurs irlandais ont développé une technologie pour localiser avec une précision inédite les tourbières, une avancée qui pourrait s'avérer cruciale pour protéger et restaurer ces écosystèmes humides représentant un enjeu clé dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Au moins 20% de la surface terrestre de l'Irlande est composée de sol tourbeux, selon Eve Daly, géophysicienne à l'université de Galway, qui a codirigé le projet.
"Les sols des tourbières contiennent des quantités de carbone comparables à celles des forêts tropicales", souligne-t-elle.
"Une cartographie plus précise peut permettre de prendre de meilleures décisions en matière de gestion des terres et d'atténuer les émissions de gaz à effet de serre", explique-t-elle à l'AFP.
Lorsque les sols tourbeux sont gorgés d'eau, ils piègent le carbone. Mais lorsque l'eau est retirée, par exemple par drainage, ils émettent du CO2, gaz à effet de serre largement responsable du réchauffement climatique.
La technique de cartographie de l'équipe de chercheurs est fondée sur des mesures de rayonnement gamma effectuées par un capteur radiométrique embarqué à bord d'un avion qui survole l'Irlande à basse altitude depuis une dizaine d'années dans le cadre d'une étude géophysique aérienne financée par l'Etat.
"Toutes les roches et les différents types de sols émettent un certain niveau de radiation naturelle, ce qui n'est pas le cas de la tourbe, qui est pleine de matière organique", explique Eve Daly, en se tenant debout sur une tourbière dans le comté d’Offaly, dans le centre de l'Irlande.
Cela a permis aux chercheurs d'identifier pour la première fois des "zones de transition" - généralement cachées sous les forêts et les prairies - où le sol passe de la tourbe à une matière minérale.
Selon Eve Daly, la surface des sols irlandais considérés comme "tourbeux" a ainsi augmenté de près de 30% à la suite de ces travaux de recherche.
- Risque d'amende -
Près de 80% de l'Irlande a désormais été cartographié, fournissant des informations détaillées sur les limites géographiques de ses tourbières, selon le co-responsable du projet, Dave O'Leary.
"L'Irlande est à l'avant-garde de la recherche sur la cartographie des tourbières", affirme-t-il.
Les tourbières irlandaises se concentrent principalement dans les régions centrales du pays.
L'utilisation des terres, notamment avec l'agriculture et l'assèchement des tourbières, est l'une des principales sources d'émissions de CO2 de l'Irlande. Cela pourrait empêcher le pays d'atteindre l'objectif climatique fixé par l'UE de réduction des émissions de plus de 50% d'ici à 2030.
Selon un rapport indépendant récent, l'Irlande risque une amende de près de 30 milliards d'euros si elle n'atteint pas cet objectif. Ses auteurs recommandent la restauration - et la réhumidification - de milliers d'hectares de tourbières afin de contribuer à une réduction "massive" des émissions.
La dégradation des tourbières cause environ 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, souligne aussi Triven Koganti, expert en agroécologie à l'université d'Aarhus au Danemark.
"Une évaluation précise" des limites des tourbières "est nécessaire dans le cadre des initiatives mondiales actuelles visant à restaurer" ces écosystèmes, estime-t-il, jugeant que ces travaux de recherche irlandais "jouent un rôle important dans cette démarche".
K.Jung--FFMTZ