Frankfurter Tageszeitung - Mondiaux de cyclisme: l'immense fierté des coureurs africains, malgré des moyens limités

Frankfurt -

DANS LES NOUVELLES

Mondiaux de cyclisme: l'immense fierté des coureurs africains, malgré des moyens limités
Mondiaux de cyclisme: l'immense fierté des coureurs africains, malgré des moyens limités / Photo: Anne-Christine POUJOULAT - AFP

Mondiaux de cyclisme: l'immense fierté des coureurs africains, malgré des moyens limités

"J'ai prié Dieu pour qu'il m'aide à être ici": participer aux Championnats du monde de cyclisme au Rwanda, les premiers en Afrique, procure une immense fierté aux coureurs du continent même si le plus souvent ils ne luttent pas à armes égales.

Taille du texte:

En s'élançant de la rampe de la BK Arena, au rythme des ingomas, tambours traditionnels de l'Afrique centrale, pour son contre-la-montre, Vanette Houssou a vu lundi se réaliser le rêve qu'elle nourrissait secrètement depuis tant d'années.

"J'étais un peu stressée au départ, mais surtout j'étais fière. Quand j'ai commencé le vélo, dans mes prières, j'ai prié Dieu pour qu'il m'aide à être ici", souligne l'espoir béninoise de 20 ans avec émotion.

Au Rwanda, 36 nations africaines sont représentées, un record, et un tiers des plus de 700 athlètes engagés viennent du continent, surtout dans les catégories juniors et espoirs.

Certains, comme Vanette, ont participé au projet Afrique 2025 mis en place par l'Union cycliste internationale (UCI). La native de Bonou a ainsi passé plusieurs mois en France, à Gomené, un petit village breton, pour préparer ces Mondiaux.

Et tous partagent cette fierté de participer à un moment d'histoire sur un continent où le vélo reste d'abord un moyen de locomotion avant d'être un sport, comme au Rwanda où on a pu voir Tadej Pogacar faire la course à l'entraînement avec un habitant juché sur un vélo énorme et hors d'âge.

- "Un autre cyclisme" -

"En Tunisie, il n'y a pas beaucoup de coureuses cyclistes. Une dizaine tout au plus", souligne la Tunisienne Alma Abroud. "On représente le continent ici. C'est un honneur que le championnat soit en Afrique", ajoute celle qui a écarquillé grand les yeux lorsqu'elle a été doublée lors de la reconnaissance du parcours par Remco Evenepoel en personne.

"C'était beau à voir, la perfection, dit-elle. Ca donne envie de travailler encore plus pour, peut-être, intégrer une équipe professionnelle un jour" et côtoyer de plus près la Néerlandaise Demi Vollering, son idole.

Vanette, elle, "rêve de participer au Tour de France ou au Tour d'Italie".

Mais l'écart reste grand avec les meilleures nations et le défi immense. Car ces Mondiaux sont aussi la rencontre entre deux mondes, celui ultra professionnel des cadors du peloton et celui fait parfois de bric et de broc des amateurs africains.

Cette différence se reflète notamment au niveau du matériel, un des principaux freins au développement du cyclisme africain dont tout le monde loue par ailleurs le potentiel.

Le coureur malien Tiemoko Diallo a ainsi disputé le contre-la-montre espoirs avec un vélo de route lambda, à des années-lumière de la machine profilée hors de prix utilisée par le vainqueur, le Suédois Jakob Soderqvist.

"La différence est énorme, c'est un autre cyclisme, mais on n'a pas les moyens pour acheter le vélo de contre-montre. Lorsqu'on les aura, on pourra bien travailler", insiste Diallo.

- Biniam Girmay, l'inspiration -

"Il y a beaucoup de talents au Mali. Tous les Maliens veulent faire du vélo, ils aiment ça, vraiment. Seulement, il n'y a pas de moyens et pas de formation", déplore-t-il.

L'équipe du Rwanda est mieux dotée sur ces Mondiaux, portée par la volonté du président Paul Kagame de faire de cette compétition une vitrine pour son pays.

"On a eu des prix préférentiels sur des vélos de contre-la-montre et des vélos de route. J'ai aujourd'hui 32 vélos neufs", explique David Louvet, le sélectionneur de l'équipe du Rwanda dont l'un des coureurs, Shemu Nsengiyumva, a pu prendre une 25e place remarquée dans le chrono élite, devant plusieurs pros.

De quoi laisser un héritage dans la durée, alors que beaucoup craignent que le soufflé retombe et les budgets repartent à la baisse après ces Mondiaux ?

La jeune Béninoise Charlotte Metoevi espère avoir semé les graines auprès des jeunes et s'est donnée pour mission de tout faire pour les encourager. "Au Bénin, dit-elle, beaucoup de filles pensent que le cyclisme, c'est vraiment difficile et elles ne veulent pas participer. Mais, chaque année, ça continue d'augmenter. Je veux montrer qu'elles peuvent le faire".

Sa compatriote, Vanette Houssou, en est convaincue aussi et cite l'Erythréen Biniam Girmay, triple vainqueur d'étape sur le Tour de France 2024 et héros de tout un continent, comme inspiration.

"Les Européens sont encore un peu plus forts que les Africains, mais avec les entraînements, on va y arriver. Comme Biniam, qui roule avec eux."

W.Albrecht--FFMTZ