Frankfurter Tageszeitung - CEDH: la Russie responsable de violations des droits de l'homme "flagrantes et généralisées"

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CEDH: la Russie responsable de violations des droits de l'homme "flagrantes et généralisées"
CEDH: la Russie responsable de violations des droits de l'homme "flagrantes et généralisées" / Photo: FREDERICK FLORIN - AFP/Archives

CEDH: la Russie responsable de violations des droits de l'homme "flagrantes et généralisées"

Exécutions, torture, déplacements d'enfants, travail forcé, destruction du vol MH17: la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné mercredi la Russie pour les exactions "flagrantes et généralisées" commises en Ukraine depuis 2014.

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La Russie est reconnue coupable notamment d'exécutions de "civils et de militaires ukrainiens hors de combat", "d'actes de torture" ou de "déplacements injustifiés de civils".

La CEDH relève aussi la pratique "consistant à commettre des destructions, pillages et expropriations", et pointe la responsabilité de Moscou dans la destruction du vol MH17.

La décision a été rendue par les 17 juges de la Grande chambre, formation la plus solennelle de l'institution qui siège à Strasbourg.

Celle-ci a joint dans cette même décision trois plaintes déposées par l'Ukraine contre la Russie après les opérations menées en 2014 dans le Donbass et la guerre déclenchée en février 2022, et une autre plainte des Pays-Bas pour la destruction du vol MH17, parti d'Amsterdam vers la Malaisie le 17 juillet 2014, abattu par un missile dans la région de Donetsk, dans le Donbass, et qui avait fait 298 victimes.

Le ministère ukrainien de la justice a salué une décision "historique", qui reconnaît le caractère "systématiques" des violations de droits fondamentaux commises par la Russie.

"La Cour a souligné que l'agression russe ne se limite pas à l'Ukraine, mais représente une menace mondiale qui remet en question l'idée même de coexistence des États dans un cadre juridique", a rappelé Kiev.

- Caractère symbolique -

Moscou "doit sans délai libérer ou renvoyer en toute sécurité toutes les personnes qui étaient privées de liberté (...) et qui sont toujours détenues par les autorités russes", intime la CEDH.

Celle-ci estime également que la Russie doit apporter sa coopération à la mise en place d'un mécanisme destiné à assurer l'identification de tous les enfants transférés d'Ukraine vers la Russie ou le territoire contrôlé par la Russie.

Le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Theodoros Rousopoulos, a souligné que cette décision "est la première décision judiciaire rendue par une cour internationale, établissant formellement la responsabilité de la Russie pour les conséquences de son invasion à grande échelle de l'Ukraine".

"L'arrêt d'aujourd'hui ne doit pas être considéré comme une fin, mais seulement comme un début", a-t-il estimé.

Cependant, la condamnation de la Russie revêt a ce stade un caractère surtout symbolique: depuis septembre 2022 et son exclusion, Moscou ne donne plus aucun signe de vie devant la CEDH.

Et si elle reste normalement responsable des violations des droits fondamentaux commises avant cette date, la Russie ne considère plus les décisions de la CEDH comme contraignantes à son égard: Moscou "ne compte pas se conformer" à cette décision, a d'ailleurs déclaré mercredi matin le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

De son côté le Premier ministre néerlandais Dick Schoof s'est réjoui de la décision de la CEDH: cet arrêt "est un pas important vers la justice. La Cour a désigné la Russie comme responsable de la destruction du vol MH17 et de la mort de ses passagers, dont 196 ressortissants néerlandais", a-t-il salué.

- Justice, reconnaissance... excuses ? -

"C'est une décision historique, non seulement sur le MH17 mais aussi sur les crimes commis en Ukraine par les Russes", a également déclaré à l'AFP Piet Ploeg, qui a perdu son frère, sa belle-sœur et son neveu dans la catastrophe, et préside l'association de proches de victimes "Stichting Vliegramp MH17."

"Je ne pense pas que la Russie paiera quoi que ce soit, mais ce n'est pas une question d'argent aujourd'hui, c'est une question de justice et de reconnaissance... et peut-être d'excuses, on ne sait jamais", a-t-il ajouté.

Si la plupart des requêtes émises devant la CEDH sont introduites par des individus, des sociétés ou des ONG, les Etats peuvent également en présenter une contre un autre Etat dans ce qui devient alors une "affaire interétatique".

Plus de 30 affaires interétatiques ont été présentées depuis 1953, et la Cour a parfois ordonné aux Etats ayant violé la Convention de verser des indemnités, jusqu'à des centaines de millions d'euros.

Quinze affaires interétatiques sont actuellement instruites par la Cour, dont trois autres concernant les événements dans la péninsule ukrainienne de Crimée annexée en 2014 par la Russie, dans l'est de l'Ukraine, et dans la mer d'Azov.

O.Neumann--FFMTZ