Frankfurter Tageszeitung - Suicides de soignants à l'hôpital: une plainte visant les ministres Borne, Vautrin et Neuder classée

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Suicides de soignants à l'hôpital: une plainte visant les ministres Borne, Vautrin et Neuder classée
Suicides de soignants à l'hôpital: une plainte visant les ministres Borne, Vautrin et Neuder classée / Photo: Loic VENANCE - AFP/Archives

Suicides de soignants à l'hôpital: une plainte visant les ministres Borne, Vautrin et Neuder classée

La Cour de justice de la République ne se penchera pas sur le harcèlement moral et les suicides de soignants de l'hôpital public dénoncés par 19 particuliers: une plainte visant les ministres Elisabeth Borne (Enseignement supérieur), Catherine Vautrin et Yannick Neuder (Santé) a été classée, les autres jugées irrecevables.

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Au total, "19 plaintes émanant de particuliers" avaient été adressées à la Cour de justice de la République (CJR), le 10 avril, a indiqué jeudi dans un communiqué le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz.

Elles dénonçaient "des faits qualifiés de harcèlement moral, violences mortelles, homicide involontaire et mise en péril de la personne, à la suite de suicides survenus dans des hôpitaux", a précisé M. Heitz, qui exerce les fonctions de ministère public à la CJR.

La commission des requêtes de la Cour a classé 18 d'entre elles "pour irrégularité de forme" le 19 juin, a expliqué le procureur général.

Les magistrats et conseillers de cette commission ont "par ailleurs classé sans suite l'unique plainte déclarée recevable, au motif qu'elle ne comportait +pas d'éléments de nature à caractériser un crime ou un délit commis par les ministres visés dans l'exercice de leurs fonctions+", a-t-il détaillé.

"Cette décision de la commission des requêtes, composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation, de deux conseillers d'État et de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, n'est susceptible d'aucun recours", a souligné M. Heitz.

"Je suis très surprise du classement de cette plainte qui contient 359 pièces particulièrement étayées", a réagi auprès de l'AFP Me Christelle Mazza, l'avocate des plaignants (des soignants et des veufs ou veuves).

"J'y vois surtout un message qui paraît très clair et fait tout le problème de cette juridiction qui n'a pas les moyens juridiques, politiques et budgétaires de remplir son office", a-t-elle poursuivi.

"Nous sommes face à un scandale d'Etat avec la volonté de laisser perdurer une forme d'impunité au sein des hôpitaux publics", a dénoncé l'avocate.

Ces plaintes visaient Elisabeth Borne en tant que ministre de l'Enseignement supérieur, Cathérine Vautrin, ministre du Travail et de la Santé, ainsi que Yannick Neuder, ministre auprès de cette dernière, chargé de la Santé et de l'Accès aux soins.

Contactés, les trois ministres n'avaient pas réagi dans l'immédiat auprès de l'AFP.

Lors de l'annonce du dépôt de la plainte, Mmes Borne et Vautrin n'avaient pas souhaité s'exprimer sur le fond mais avaient rappelé leur soutien aux soignants et à leurs proches.

- "Rythmes insoutenables" -

Cette plainte, consultée par l'AFP, rappelait en préambule que la crise majeure" que connaît l'hôpital public "depuis de nombreuses années semble s'être aggravée depuis environ 2012-2013, par l'application continue de politiques publiques néolibérales qui, malgré de nombreux signaux d'alerte particulièrement inquiétants, dont des suicides, n'ont pas été corrigées, bien au contraire".

Etaient dénoncés entre autres des "conditions de travail totalement illégales et mortifères", "des rythmes insoutenables" dans différents corps médicaux, spécialités et régions de France, ainsi que "l'impunité organisée à l'encontre des auteurs des faits".

La dégradation des conditions de travail s'est accélérée depuis la crise sanitaire du Covid-19 à partir du printemps 2020, avait souligné dans ce document Me Mazza.

L'avocate souhaitait voir s'appliquer la jurisprudence de la Cour de cassation sur le harcèlement moral institutionnel.

En janvier, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire avait estimé que "les agissements" visant à mettre en oeuvre, "en connaissance de cause, une politique d'entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d'atteindre tout autre objectif, qu'il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation", peuvent caractériser une situation de harcèlement moral institutionnel.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions.

O.Keller--FFMTZ