

Cinq ans après la mort de George Floyd, le bilan mitigé du mouvement "Black Lives Matter"
Le meurtre de l'Afro-Américain George Floyd par un policier avait suscité l'une des plus fortes mobilisations populaires dans l'histoire des Etats-Unis. Mais cinq ans plus tard, "Black Lives Matter" s'est essoufflé et son bilan reste mitigé.
Emblématique du mouvement, une fresque géante peinte sur une rue du centre de Washington a été détruite en mars, tandis qu'à quelques dizaines de mètres de là, la Maison Blanche est occupée par Donald Trump, contempteur de l'"endoctrinement idéologique" racial.
En peinant à convaincre une tranche plus large de la population américaine, "Black Lives Matter" (BLM) a-t-il raté l'occasion de contribuer à faire évoluer les mentalités et la société tout entière, comme avait pu le faire le mouvement des droits civiques dans les années 1960 ?
"C'est très facile de porter le T-shirt, de lancer le slogan, mais après, on se rend compte de ce que demandaient" les activistes de BLM, constate Yohuru Williams, professeur d'histoire et fondateur de l'"Initiative pour la justice raciale" à l'Université Saint Thomas à Saint Paul (Minnesota, nord).
Une référence à l'appel de certains à cesser de financer la police, qui a provoqué un retour de bâton dans l'opinion, sur fond de hausse de la criminalité dans certaines villes.
- Nébuleuse -
Quelque 52% des Américains interrogés disent aujourd'hui soutenir BLM, une chute de 15 points par rapport à juin 2020, un mois après que le policier Derek Chauvin a tué Floyd lors d'une arrestation à Minneapolis (Minnesota).
A l'époque, des manifestations, certaines dégénérant en émeutes, se sont répandues dans tout le pays, jusqu'aux portes de la Maison Blanche où Donald Trump terminait son premier mandat. La colère a mis en lumière BLM, jusqu'alors une nébuleuse fondée en 2013 en réaction aux violences raciales.
Les militants s'en sont alors pris au racisme systémique. Plusieurs monuments confédérés ont dans la foulée été démontés et de nombreux établissements (écoles et même bases militaires) ont changé de nom.
Mais malgré son élan initial et ses ambitions, BLM a obtenu "très peu" de résultats, selon M. Williams.
"La clarté morale de 2020 n'a pas débouché sur assez de courage politique", renchérit Phillip Solomon, professeur d'études afro-américaines et de psychologie à l'Université de Yale, dans un entretien avec l'AFP.
Le projet de loi baptisé du nom de George Floyd, qui prévoyait des réformes dans le maintien de l'ordre, dont l'interdiction de manoeuvres d'étranglement dangereuses lors d'arrestations, a échoué au Congrès.
Pour M. Solomon, le meurtre de Floyd - lui le qualifie de "lynchage" - a ouvert la possibilité d'une évolution, mais celle-ci a disparu.
- Retour de bâton -
La mort de George Floyd est intervenue dans le contexte de dizaines d'autres cas de brutalités policières contre des Américains noirs, souvent documentés et à l'impact démultiplié par les réseaux sociaux.
Certains Etats ont ensuite placé des limites aux tactiques des forces de l'ordre, ou lancé des initiatives pour faire intervenir des policiers sans armes sur certaines opérations.
Medaria Arradondo, le premier Noir chef de la police de Minneapolis, en poste quand Floyd est mort, dit être inquiet des "conséquences graves" de l'absence de réformes supplémentaires.
"J'espère, et je prie pour cela, que notre pays n'est pas en train de marcher à l'aveuglette vers une nouvelle crise", ajoute-t-il.
Ce mois-ci, le président du groupe de défense des droits civiques National Urban League a estimé que les mesures prises pour lutter contre les discriminations raciales avaient été "totalement inversées" ces derniers temps.
Sous Donald Trump, le département de la Justice a mis fin à toutes les enquêtes liées aux droits civiques lancées pendant la présidence de Joe Biden, et fait du rejet des politiques de diversité et d'inclusion l'une des idées-force du début de mandat du républicain.
Certains des soutiens de M. Trump ont même appelé à amnistier Derek Chauvin, qui purge une peine de prison de 22 ans et demi.
Mais M. Arradondo affirme rester optimiste: "L'histoire a montré que le changement vient peu à peu. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous, mais je pense que nous y parviendrons".
Q.Zimmermann--FFMTZ