

Cinéma: face aux menaces de Trump, la France défend son exception culturelle
Place forte de la production cinématographique en Europe, la France a affirmé mercredi son souhait de défendre son exception culturelle face aux menaces américaines d'imposer des droits de douane sur les films étrangers.
Saluant la présence massive de films français au prochain Festival de Cannes (39 sur 107 longs-métrages en sélection officielle), la ministre de la Culture Rachida Dati y a vu "la preuve que notre système (était) redoutablement efficace et qu'il (fallait) le préserver".
"Il faut le défendre coûte que coûte", a-t-elle ajouté en recevant à son ministère des cinéastes et producteurs représentés au 78e festival cannois, qui ouvre ses portes mardi.
Le cinéma mondial est en ébullition depuis que le président Donald Trump a agité dimanche la menace de taxer à 100% les films étrangers afin de sauver une industrie américaine qui serait, selon lui, "en train de mourir à une vitesse fulgurante".
La menace a notamment eu un fort écho en France, dont le modèle unique de financement du cinéma est déjà dans le collimateur de l'administration américaine qui y voit une "pratique commerciale déloyale".
En France, les diffuseurs (chaînes de télévision et plateformes) sont contraints de consacrer une part de leur chiffre d'affaires au financement de productions nationales.
Avec 231 films produits en 2024, ce mécanisme a permis à la production française de retrouver son niveau d'avant-Covid, selon les chiffres du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).
L'année dernière, la France a par ailleurs affiché une progression du nombre d'entrées en salle (181,3 millions) par rapport à 2023, alors que tous les grands pays d'Europe et les Etats-Unis sont en baisse.
"Le cinéma doit échapper aux pures lois du marché", a estimé Mme Dati mercredi, consciente toutefois que ce modèle avait ses détracteurs.
"De l’autre côté de l’Atlantique, de puissants acteurs de cette industrie sont hostiles à cette exception culturelle française", a noté la ministre. "On pourrait s'inquiéter de l'alignement de cet agenda avec celui de la nouvelle administration américaine mais je ne suis pas inquiète".
- Fébrilité -
Présente à ses côtés, la présidente du Festival de Cannes Iris Knobloch a appelé à "protéger (ce système) plus que jamais". "Il y a toujours des jalousies et j’espère que ce système va perdurer", a-t-elle précisé à l'AFP, ajoutant que "le bien-être du cinéma français montre que ce système est très vertueux".
En France comme ailleurs dans le monde, les menaces de Donald Trump provoquent toutefois un accès de fébrilité.
Quelles qu'en soient les modalités, encore très floues à ce stade, un frein à l'entrée des films français aux Etats-Unis aurait déjà un impact comptable.
Selon les données d'Unifrance, ils ont réalisé 4,6% de leurs entrées à l'étranger aux Etats-Unis et au Canada anglophone en 2024, un des dix premiers marchés.
Mais la perspective d'une guerre commerciale dans le 7e art fait surtout craindre une fragilisation d'une industrie cinématographique toujours convalescente après les années Covid et sous la concurrence constante des plateformes de streaming.
"Il ne faut pas que l’incertitude paralyse le cinéma mondial", a déclaré Mme Knobloch à l'AFP.
Dans la matinée sur France inter, Rachida Dati s'était montrée rassurante en assurant qu'elle n'était pas inquiète pour le 7e art français.
"Je ne suis pas inquiète pour notre cinéma, notre industrie du cinéma, je pense que les Américains le sont beaucoup plus", a-t-elle ajouté, en référence au fait que des droits de douane sur des films tournés à l'étranger pourraient d'abord augmenter les coûts de production d'Hollywood.
"Finalement c’est toute l’industrie américaine qui serait pénalisée et pas la nôtre", a-t-elle ensuite déclaré.
Sous couvert d'anonymat, un acteur de la filière française considère toutefois que les menaces du président Trump sont annonciateurs de turbulences. "C'est le signe que la guerre est déclarée" contre le modèle européen, pronostique cette source.
V.Wendt--FFMTZ